12/06/2008

La Roumanie, part 2 : région de Maramures

Ma nouvelle compagne de voyage est donc canadienne (de Toronto, et oui, j'ai du pratiquer mon anglais!) et s'appelle Tania, elle est au milieu d'un voyage d'un an commencé en Bosnie et en Croatie par du volontariat, qui se continue par l'est de l'Europe et se terminera par l'Inde. Séduit part ses charm....euhhh non!...par sa présentation de la région de Maramures, j'ai décidé de la suivre (avec son autorisation). Nous nous retrouvons de justesse à Baia Mare, puis nous commençons notre découverte de la région par le petit village de Surdesti dans la vallée de Isey. L'expression ''petit village'' est d'ailleurs plutôt relative dans cette province, puisque la majorité des localités sont formées de quelques centaines d'habitants, la nuance entre chaque village prend ainsi une importance toute différente : Surdesti devient un ''village'' ; Burdesti est une ''petite ville'' et Plopis un ''petit village''.

A peine arrivés nous rencontrons Mariana et sa petite famille (une fille de 10 ans, un bébé de 9 mois et leur grand-mère). Mariana parle espagnol, car elle travaille près de Madrid ainsi que son mari, ils reviennent ici autant que possible pour voir leurs enfants qu'ils préfèrent laisser avec leur grand-mère grandir dans leur pays natale. La Roumanie c'est chez eux, mais comme plus de deux millions de roumains (sur un total d'un peu plus de 22 millions), ils ont choisi d'émigrer pour travailler, car en Roumanie, depuis l'entrée dans l'Union Européenne le 1er janvier 2007, il est devenu presque impossible de vivre avec un salaire local. Mariana n'est donc pas très riche, mais en moins de 5 minutes elles nous proposera de dormir chez elle, ''plutôt que de payer une pension, car je sais que vous êtes jeunes et donc que vous n'avez pas beaucoup d'argent'' nous dit-elle. Moi le français et Tania la canadienne, nous nous sentons presque misérables devant tant de générosité : nous sommes riches comparés à elle, son salaire en Roumanie est 10 fois moins important que le smic Français (beaucoup de salariés touchent autour d'une centaine d'euros...), mais elle ne s'en affecte pas, au contraire, elle nous propose l'hospitalité pour nous permettre d'économiser sur notre budget de touriste. Après les sourires d'accueil, son honnêteté et sa gentillesse finissent de nous achever, nous acceptons la proposition mais nous voulons faire quelque chose en remerciement ! ''Quoi ?'' nous dit-elle ''il n'y a rien à faire ici,et puis vous êtes en vacances, alors profitez !'' .

Mariana est voisin de Florin et Ana-maria qui parle quelques mots de Francais. On nous présente et immédiatement le couple nous invite à rester quelques instants avec eux : ils sortent un jus de fraises fait maison, nous préparent des délicieuses galettes fourrées avec du fromage qu'ils font à partir de leur propre lait de vache, et enfin apportent vin et eau-de-vie artisanaux. Nous sommes repus, nous venons de manger de délicieux produits totalement naturels produits par ce jeune couple qui entretient une ferme (un grand jardin potager, des vignes, des poules, une vache, deux porcs et des lapins) en plus de leur travail respectif (Ana-maria est professeur de Biologie et Florin travail dans le bâtiment). Dit comme ça, tout à l'air magnifique, mais au cours de la conversation nous comprendrons qu'ils n'ont en fait pas le choix : produire leurs propres aliments permet une économie conséquente sur leur budget (alors que les salaires ne bougent pas et restent autour de quelques centaines d'euros, le prix des produits de consommation courantes ont grimpé en flèche depuis début 2007, ils atteignent aujourd'hui quasiment ceux de France ! (1)).

Quelques jours plus tard nous rencontrerons deux médecins roumains en vacances (de deux jours...), l'un d'entre eux, fonctionnaire, m'avouera ne gagner que 300 euros par mois : toujours insuffisant pour vivre correctement.

Alors que font-ils ? Ils se débrouillent : - ils travaillent au noir, avec tous les risques que cela comprend (comme Florin qui me montrera une superbe maison construite par lui et ses deux associés en deux mois pour 2000 euros hors coût de matériaux ! Pour nous, 2000 euros de main d'oeuvre pour une maison cela parait un rêve, mais pour eux c'est de quoi vivre à peu près correctement, sans plus...) - ou alors ils émigrent...en masse (le plus souvent en Espagne, en Italie ou en Grèce, ce qui divise nombres de familles. Quasiment tous les gens que nous avons rencontrés pouvaient nous parler d'un mari, d'un frère ou d'un fils partis de Roumanie (2)).

Mais la région de Maramures c'est aussi une campagne superbe, vallonnée, où les prairies alternent avec de belles forets et où les traditions sont toujours d'actualité. A Burdesti nous verrons une machine-à-laver ''naturelle'' encore en fonctionnement (cf photos), partout nous croiserons des charrettes tirées par des chevaux et chargées de passagers et/ou de foin, et tout au long de la vallée d'Izey nous découvrirons les incroyables et somptueux portails monumentaux qui marquent l'entrée de presque chaque maison. Les gens d'ici sont des paysans, mais ils ont du goût et leur artisans ont des mains d'or, ils sculptent ces portails immenses ou construisent des bâtisses exceptionnelles. Ainsi je fais référence en particulier aux deux églises de Surdeti et de Plopis, deux villages voisins, mais dont le premier possède la plus grande église tout en bois d'Europe, et dont le deuxième en possède une toute aussi belle (même si moins haute) dans laquelle nous aurons la chance de monter en haut du clocher!

Dans l'église de Surdesti, nous aurons une tout autre chance : celle d'assister à un mariage traditionnel. Lors de notre arrivée dans le village, tout le monde nous le disait : ''venez samedi, vous serez les bienvenus, tout le monde est le bienvenu au mariage ici !''. Intimidés, mais poussés par notre curiosité, nous reviendrons tout de même le samedi prévu, nous assisterons au mariage traditionnel dans cette église si particulière (datant du milieu du 18eme siècle) et finalement...nous serons invités à la fête, à l'une des tables de la famille, près de Ana-maria et Florin... le grand-frère du jeune marié ! Moment magique et incroyable. A quelques mois de rentrer en France pour assister au mariage d'un ami de lycée, j'ai goûté à la version roumaine, entre verres de Tsuika (l'alcool local), danse folklorique, diner gargantuesque et marques d'une générosité hors-norme.
P.S : Nouvel article publié sur http://www.elnanito.blogspot.com/
(1) Lire l'article ''Les ouvriers roumains font reculer Renault'' de Stephane Luçon dans Le Monde diplomatique mois de Juin 2008
(2) Ainsi ils émigrent par nécessité, en même temps que nos entreprises nationales délocalisent dans leur pays pour augmenter leur rentabilité. Nous les voyons comme des envahisseurs, alors que ce sont nos entreprises qui les exploitent et que leurs conditions de vie sont beaucoup plus difficiles que les nôtres : comparons un peu avant de trop nous plaindre. Et enfin, l'argument porté en grand étendard pour justifier cette politique économique est celui de la libre concurrence et du marché libre qui est censé optimiser les coûts de production et donc permettre une baisse des prix au ''profit'' des consommateurs : on voit en réalité que les prix en France sont loin d'être à la baisse, que les prix en Roumanie se sont alignés à ceux de l'Europe en augmentant considérablement (mais pas les salaires bien sûr), et que par contre les rentes et revenus des actionnaires autant que les salaires des grands patrons d'entreprises explosent tous les records. Vive l'Europe sociale et de l'amitié entre les peuples !!

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