18/07/2008

Suède : wwoofing, c'est reparti mon kiki !!

Hoor, région de Skona, sud-ouest de la Suède. Au milieu d'une prairie, avec pour musique le rythme régulier de la faux qui fend les hautes herbes et du vent qui s'infiltre dans les bois alentours. Le soleil descend, c'est la fin d'après-midi, je regarde fier le travail accompli : de larges surfaces d'herbe couchées au milieu d'une vaste mer dorée qui houle sous le vent. Au loin, on appelle, c'est le signal du dîner. Je pose la faux et me dirige vers l'apéro ; car ici, depuis que je suis arrivé, on a adopté cette habitude française.

Igersdela, région de Smaland, sud-est de la Suède. Accroupi tout près du sol, les genoux engourdis et le dos qui tire, je cueille les premières fraises du matin dont je remplis un large bol pour le petit-déjeuner qui approche. Dans ma main s'enchaînent belles rouges sucrées aussi grosses qu'un abricot. Tout près jouent Sita et Jingus, deux chiens qui me sautent dessus en me léchant le visage et en espérant un câlin. Autour, les jeunes champs d'orges brillent sous les rayons crus et rasant. Dans mes oreilles sonnent les bêlements des moutons et des chèvres mélées aux grognements des cochons impatients d'avoir leur repas du matin. D'autres wwoofers me rejoignent, nous finissons rapidement la cueillette, puis certains vont mettre la table tandis que d'autres vont nourrir les bêtes.

C'est l'été, la saison des fraises et des framboises, les animaux accouchent de nouvelles portées, les potagers fleurissent, les projets de construction s'accomplissent, et les préparations pour l'hiver commencent. Il y a du travail et il y a des wwoofers, ça tombe bien ! Les hôtes sont accueillants, chaleureux et intéressants, ça tombe encore mieux ! Dans ces conditions, un mois passe très vite.

Je passe d'abord quinze jours chez Ninna, Kenneth et leurs quatre enfants (Alexander, Nadja, Katja et Ronja). Ils vivent près de la ville de Hoor, à 60km de Malmo, la grande ville du Sud de la Suède. Leur maison est légèrement excentrée, accessible par une route de terre, mais finalement pas si loin du centre urbain. Ils ont ainsi l'avantage d'avoir une fantastique nature aux alentours (une grande forêt et un joli lac), mais de rester en contact avec l'extérieur. Il y a quelques années ce n'était pas le cas, ils vivaient beaucoup plus au nord, dans une région peu peuplée où ils vivaient en quasi auto-suffisance par le travail de la ferme. Mais le village mourait, alors après dix ans de travail acharné ils se sont résignés à partir vers d'autres horizons et d'autres projets. Aujourd'hui, riche d'une incroyable expérience, ils développent divers projets d'aspect social, avec une idée commune : faire connaître d'autres façons de vivre. L'auto-suffisance alimentaire en est une, avec les préoccupations de la culture biologique respectueuse de l'environnement comme celles d'une alimentation naturelle meilleure pour notre santé. Mais les domaines à changer pour aller vers une société meilleure sont nombreux : l'éducation, la science, la communication, la spiritualité, la politique. Dans leur manière de vivre, Ninna et Kenneth montre, à plus ou moins forte intensité, que tous ces domaines ne sont pas cloisonnés à la définition qu'on leur donne dans notre vie de tous les jours. En Suède, il est très importants "d'être normal", beaucoup me le diront. Ninna et Kenneth ne sont pas "normaux", mais ils sont heureux... qu'est ce qui est le mieux ?
Kenneth travail pour le département, il est inspecteur de l'environnement, des conditions d'hygiène et de sécurité, Ninna est infirmière antroposophique(1) et leurs enfants vont dans une école Waldorf(2).
Chez eux je travaillerais dans une ambiance toujours sympathique et décontractée. Couper l'herbe haute à la faux puis la faire sécher pour avoir de la nourriture cet hiver pour les moutons, fabriquer un compost, commencer la construction d'un poulailler, construire une jolie barrière devant la maison, installer deux nouvelles fenêtres dans un mur qui n'en avait pas, voilà ce que j'ai fait. Mais surtout, partager du temps avec eux. Ils me le répétront à de nombreuses reprises quand j'aurai honte d'avoir les mains dans les poches : "ça nous fait plaisir que tu sois là, tu es notre invité !", alors nous passons de longs moments attablés, à discuter, à rigoler, à partager.
Je me suis fait des amis.

Les deux semaines suivantes je les passe chez Khatrin, Bo et leurs cinq enfants (Felix, Gerrit, Julius, Anton et Jonathan). Ils vivent à Igersdela, une toute petite localité à 30km de la mer Baltique. Ils sont propriétaire d'une ferme de vingt hectares sur lesquelles ils cultivent patates, fraises, framboises, jardins potagers et orges pour nourrir cochons qui côtoient des chèvres et des moutons. Khatrin est professeur de couture dans une école Waldorf (3) et Bo est charpentier spécialisé dans la construction écologique. Leur projet est de vivre ici en communauté et ils recherchent ainsi des gens potentiellement intéressés et intéressants. Nous étions quatre wwoofers et une foule d'invités s'est succédé. Le travail était modéré mais régulier : nourrir les bêtes matin et soir, cueillir les fraises pour la vente (et pour notre consommation personnelle :), arroser les potagers, désherber, aider aux tâches ménagères et couper du bois de chauffage en prévision de l'hiver. J'ai apprécié travailler avec les animaux, je me suis régalé à manger des kilos de ces délicieuses fraises cultivées sous les critères biodynamiques (4), j'ai respiré le calme de ce lieux paisible, j'ai participé à des expériences spirituelles originales et intéressantes (en particulier, j'ai pu participer à une "sweatlodge" : cérémonie spirituelle indo-américaine qui se déroule dans un igloo de toile utilisé comme sauna humide très chaud. La cérémonie est rythmée de chants, de moments de recueillement et de prières guidés par le maître de cérémonie qui était pour nous Katja, une femme ayant vécu dans une réserve aux Etats-unis parmi le peuple Crow), j'ai eu la chance de travailler deux jours avec Bo sur son lieu de travail (une très grande ferme rénovée avec des techniques écologiques et transformée en centre d'activité culturelle).
Ici aussi, je me suis fait des amis.


Dans les deux lieux on me propose de rester. J'ai de la peine à dire non, mais j'ai pris ma décision : je rentre en France !

Ainsi, le 16 juillet 2008 au matin, j'ai débarqué à Paris.

Et voilà, je suis rentré en catimini, parce que les grandes cérémonies c'est pas mon truc. Je suis rentré, tout simplement. Parce que j'en avais envie et parce que ce voyage ne méritait pas de fin particulière. Comme je l'ai toujours voulu, ce ne sera pas un livre à part mais juste une page de ma vie.

Devrais-je donc conclure ?
A mon sens, non. Il est bien trop tôt pour en tirer des leçons, cela prendra du temps. Et plus important : la vie est un voyage, alors même si je suis rentré, l'aventure continue !

Alors... ça vous dit de faire un bout de chemin ensemble ?


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(1) et (2) : la médecine antroposophique et la pédagogie Waldorf ont été inventé par Rudolph Steiner. Le coté intégral et totalisant de ce système théorique provenant d'un seul homme peut faire peur et est probablement critiquable, mais cela ne lui enlève pas une pertinence certaine quant aux éléments nouveaux qu'il apporte aux sujets de l'éducation, de la médecine et de la spiritualité. Ce système ne doit certainement pas être pris au pied de la lettre, autant que le nôtre actuel ne devrait pas l'être...
(3) Dans les écoles Waldorf, (toutes) les activités manuelles sont privilégiées, tout au long du cursus scolaire.
(4) La Biodynamie a aussi été inventée par Rudolph Steiner et correspond a un système de culture biologique très exigeant car il prescrit l'utilisation de préparation très particulière et le suivi du rythme lunaire.

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